SCHIRMECK / Le projet ambitionne de rendre hommage aux victimes alsaciennes de la Seconde Guerre mondiale par un monument mémoriel. Il exprime le respect de notre génération à celle qui a souffert de cette période trouble.
Le monument est un grand geste simple, unique et volontaire. Il est à la fois sobre et impressionnant. Ancré dans le sol, le projet est doté d’une grande force esthétique et symbolique. Il revendique d’être réel à une période où s’imposent des formes immatérielles de commémoration avec la constitution de bases de données informatiques.
L’édifice est de très grandes dimensions mais peut être appréhendé dans sa totalité d’un seul regard. Constitué d’un mur unique, il présente clairement et d’une seule manière la totalité des noms des victimes alsaciennes. Elles ne sont plus une masse anonyme ou abstraite mais y prennent place, individuellement. Permettant alors de prendre conscience de la quantité d’individus concernés, le projet suscite l’émotion en rendant compte de l’ampleur du drame. Par ailleurs, sa forme en creux et sa taille en font plus qu’un monument. C’est un lieu à part, un espace à ciel ouvert, dans lequel on peut “pénétrer”. Le traitement unique du sol et du mur participe à la création d’un endroit spécifique, à l’identité affirmée.
En marge des flux de circulations, on peut s’y arrêter, prendre le temps de lire, de trouver le nom d’une victime, de se recueillir. Les dimensions de l’ouvrage permettent également d’accueillir des rassemblements plus importants afin d’organiser des cérémonies commémoratives, des dépôts de gerbes et rendre collectivement hommage aux disparus. Ancré dans le sol mais ouvert vers le ciel, le projet assume son rôle de lieu de mémoire avec optimisme.
Connaissance historique.
Le projet rassemble en un seul endroit l’ensemble des informations. Elles ne sont pas éparpillées sur le site et, directement accessibles, elles permettent à tout visiteur d’identifier clairement le propos et le nom de chacune de ces victimes. Installé le long de la rampe menant au Mémorial, l’édifice accompagne l’ascension du visiteur et participe à sa mise en condition. En effet, précédant le bâtiment, centre d’interprétation et d’ouverture vers le futur, il rappelle les épisodes tragiques de l’Histoire d’Alsace. Le mur est orienté au sud et légèrement incliné vers le ciel pour recevoir la lumière naturelle tout au long de la journée. Pour s’inscrire judicieusement dans la pente, il présente une “pliure” verticale provoquant deux parties distinctes :
• La première, plus petite, accueille l’intitulé du monument et rappelle dans un texte court le contexte du projet et les catégories des victimes.
• La seconde, le “murs des noms” à proprement parler, présente de manière simple et efficace les noms pour favoriser leur repérage et leur lisibilité.
Le vaste parvis permet d’y accéder sur la totalité de sa longueur et de donner à lire l’ensemble des textes de manière uniforme. Ceux-ci sont présentés par catégorie et par ordre alphabétique, horizontalement et justifié dans des colonnes à la largeur contenue. Ainsi accessible au plus proche et en tout point, l’édifice permet de connaître chacune des victimes mais également d’avoir un rapport tactile avec l’inscription individuelle de leur nom. En effet, réalisé en saillie du support, les caractères des textes projettent une petite ombre donnant une réalité physique au nom des victimes et à l’hommage rendu. Leur accumulation forme un ensemble hétérogène. Par jeu cinétique, elle fabrique une texture en constante vibration symbolisant la persistance du souvenir dans nos mémoires.
Intégration dans le site.
Le bâtiment du Mémorial d’Alsace-Moselle est en relation étroite avec son environnement et l’aménagement paysagé qu’il surplombe. Le système de rampes zigzagant en contrebas du belvédère permet de gravir sans peine le talus menant du parking au bâtiment. Ce cheminement est aussi un moment de décompression par rapport à la vie quotidienne et une mise en condition mentale au sujet douloureux présenté dans le Mémorial. Celui-ci est également conçu suivant une succession d’étape, de remontée progressive vers la lumière. L’intégration dans le site est donc aussi une intégration dans un processus existant. Le projet s’insère dans un enchaînement ordonné d’étapes, de l’arrivée, la découverte à l’interprétation puis le retour à la lumière. Intégré adroitement dans le déroulé chronologique, il participe et renforce le système déjà en place. Ainsi, le visiteur, avant le décryptage historique proposé par le Mémorial, prend conscience de la dimension du drame de l’annexion de fait et de ses conséquences en nombre de victimes humaines. A l’échelle du paysage, creusé dans le terrain, le monument ne trouble pas la composition existante des rampes d’accès au mémorial mais s’y insinue subtilement. Ainsi, distinctement visible à l’arrivée au pied du cheminement, le projet disparaît progressivement du champ de vision. Le souvenir est clairement exprimé, il intègre notre mémoire, nous habite mais s’escamote peu à peu pour permettre également de se libérer de son poids pour construire sereinement le futur. Si ses dimensions rendent compte de la gravité du sujet abordé, le choix d’un matériau minéral et d’une teinte terreuse participent de l’intégration de l’édifice dans son environnement végétal.